L’édito de RKK – Rémy Kolpa Kopoul
ConneXionneur, journaliste et DJ
Notre invité Voyageurs au Brésil
2014 – 2016 : avec le doublé Mondial + J. O., le Brésil s’apprête à être deux fois en trois ans le centre du monde des sports. Pour les JO, c’est une première. Pour la Coupe du Monde, il y a déjà un –funeste- précédent, en 1950, quand dans son antre du stade Maracana, le Brésil s’est fait rafler le titre en final par le (petit) voisin uruguayen. Un traumatisme national qui n’a pris fin qu’en 58, avec la “Seleção” de Pelé et Garrincha. Ça va être grosse pression pour les quintuples vainqueurs du trophée. En France, on déteste perdre contre l’Allemagne, alors que si c’est le Brésil… bon… eux, au moins ce sont des artistes du ballon. Chez nous, Pelé est aussi adulé que Schumacher, le gardien allemand de 1982, est honni. Quand la France de 98 défait le Brésil, l’hexagone est certes fier mais s’excuse presque auprès des « auriverdes » (vert et or)….
Foot, musique, le capital sympathie que le Brésil génère en France est inoxydable. Peut-être aussi parce que ce pays engendre l’optimisme. Boomerang de l’histoire, la devise qui orne le drapeau brésilien, “Ordre et progrès”, est tout droit sortie du positivisme d’Auguste Comte, un philosophe humaniste du 19° tombé en désuétude dans nos contrées ! Dans le petit peuple brésilien, quand on est dans la mouise à 99 %, on se raccroche au 1 % restant.
Et il a raison, ce peuple. Il a vu poindre le miracle de la modernité au début des années 60, l’année de Brasilia et de la bossa nova, avant de retomber dans l’obscurantisme de la dictature militaire et deux bonnes décennies de plomb. Ce qui n’a pas empêché la “mauvaise graine”, le Tropicalisme musical ou le Cinema Novo, d’éclore sur le fumier de l’ordre moral. Grâce à Lula, charismatique président sorti des luttes ouvrières, ce Brésil a su relever la tête et attaquer en conquérant le 21° siècle. Vingt millions de citoyens sortis de la pauvreté, un tissu social qui renaît dans les favelas, une position internationale en pointe avec le BRIC (Brésil-Russie-Inde-Chine), ce bloc d’intérêts qui nargue la vieille Europe et grignote l’hégémonie des USA… Avec en prime, l’effervescence culturelle qui donne le tempo frénétique des mégalopoles.
Ceci dit, tout n’est pas rose dans ce Brésil du troisième millénaire, la pauvreté s’agrippe aux favelas des périphéries, les terres sèches du nordeste ont des airs de décor de western, un peu partout on entame allègrement les forêts. Bref, il reste du boulot. Mais pas de parano, le Brésil reste accueillant, une vaste terre (17 fois la France !) à la fois singulière et multiple, baroque et futuriste. Plus on l’explore, moins on le connaît, ça laisse de la marge. N’hésitez pas à prendre des libertés, les Brésiliens sont prompts à ouvrir leur cœur à l’étranger.
En fil sonore, faîtes vous accompagner par la voix de Caetano Veloso, sambiste et rocker, sage et trublion, esthète et espiègle, pertinent et impertinent, pêcheur de perles et ciseleur de pépites, cet invétéré tropicaliste à propos duquel j’écris invariablement, depuis trois bonnes décennies, “S’il n’en reste qu’un…”. Oui, un au monde !
Né à Paris en 1949, Rémy Kolpa Kopoul fait partie de l’équipe qui crée Libération en 1973. Il y écrit durant onze ans sur toutes les musiques. Il fréquente le Brésil depuis 1977. Pour Libé, il couvre aussi en 1979 l‘apparition d’un leader ouvrier à São Paulo, Lula. Il est associé aux années France / Brésil en 1986, puis en 2005/2007. Il monte les tournées brésiliennes de Kassav’, Manu Dibango et Salif Keita, fait tourner en Europe les plus grandes voix brésiliennes, Caetano Veloso, João Gilberto, Chico Buarque, Gilberto Gil, João Bosco, programme de grands festivals brésiliens et de jazz en France (dont Nice Jazz Festival 1994-96), conçoit des reportages musicaux pour la télévision, coordonne pour le Ministère de la Culture “Quartiers Latins” en 1992 (500 ans de la découverte des Amériques). Il est considéré comme un des grands connaisseurs de la culture brésilienne en France.
Animateur de radio depuis les 70’s, il rejoint l’équipe de Radio Nova en 1992, présente durant sept saisons “Les Voyages Improbables” en tandem avec le créateur de la station, Jean François Bizot. Il y anime aujourd’hui le programme “Contrôle discal”. Il est également depuis le début des années 90 DJ, tant à Paris que dans les grands festivals et sur les scènes du monde (de Chine au Canada, du Japon au… Brésil). Il anime depuis 2008 une soirée hebdo au Comedy Club de Jamel Debbouze, “Lundi c’est Rémy”. Il est enfin l’auteur de nombreuses compilations, dont “Brasil do Futuro” (2006) et “EleKtropiK” (2010) pour le label Naïve.